Adrien Poche – Un meurtre sans étiquette

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Résumé : Adrien Poche a réalisé son rêve : le voilà inspecteur à la Criminelle. Pourtant, rien n’a vraiment changé. Ses collègues ne l’aiment toujours pas et il n’est pas pris au sérieux. Alors qu’une affaire qui ne lui était pas destinée arrive sur son bureau, il prend en charge l’enquête afin de prouver à tous qu’il est le meilleur inspecteur de la ville. Bien décidé à percer le mystère qui entoure un meurtre sauvage dans la réserve d’un magasin de vêtements pour enfants, il devra faire attention à ne pas être la prochaine victime. C’était sans compter sur Mélanie, jolie responsable de la boutique et premier coup de foudre d’Adrien Poche. Un inspecteur gaffeur amoureux ? Il ne manquait plus que ça !

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Extrait :
p.10 à 16

Comme chaque matin, les cantonniers ralentissaient leur travail vers neuf heures quinze. Ça commençait à la sortie du métro, à l’arrêt Charles de Gaules. Cheveux au vent, Mélanie accélérait le pas. Les rayons du soleil matinal caressaient sa peau et réchauffaient un peu plus les têtes des cantonniers du quartier. Puis, c’était à une provocation sans fin à laquelle ils avaient droit. Tout en continuant sa marche vive, Mélanie sortit des clés de son sac et, arrivée devant la porte d’une petite boutique colorée, s’accroupit pour déverrouiller le rideau de fer. A ce moment-là, il y avait toujours un passant pour lui proposer de l’aide pour remonter la grille mais chaque fois elle refusait et étendait son corps svelte jusqu’en haut de la porte. Libérée de ses barreaux, la boutique était prête pour une nouvelle journée. Mélanie leva les stores puis tourna le dos aux cantonniers non sans leur adresser un sourire. Béats, ils reprirent leurs activités alors que d’autres jolies filles s’apprêtaient à égailler un peu plus leur journée.

Les rayons du soleil pénétrèrent dans la boutique et tout de suite, la chaleur reprit ses droits. Mélanie allumerait la clim quand elle aurait fini de compter la caisse et débarrasser le sol du seau de la veille. Après ce rituel professionnel, elle fit le tour de la boutique. Dans les allées, ses talons claquaient doucement sur le sol. Comme chaque matin, tout était impeccable. Les vêtements colorés pendu sur des cintres en bois se suivaient harmonieusement. Quelques poupons présentaient des modèles. Bien disposés en haut des rayonnages, leurs yeux malicieux semblaient pétiller. « Tout est dans la tenue » vous répondrait Mélanie si vous lui faisiez la remarque.

Déjà, la première cliente arriva. C’était une grand-mère qui venait pour un échange. Mélanie n’aimait pas quand le premier client ne venait pas pour un achat. Cela donnait le ton à la journée et c’était rarement une bonne chose. Ce n’était pas de la superstition mais des statistiques. Il fallait à tout prix changer ça. Après les politesses d’usage, la vielle dame expliqua ce qui n’allait pas avec son achat et s’inquiétait qu’il ne vienne pas de cette boutique-ci. Avec douceur et gentillesse, Mélanie lui expliqua que ce n’était pas un problème et l’entraîna vers un modèle qui conviendrait sûrement mieux aux goûts de sa belle-fille. C’était aussi ça que de travailler dans une boutique pour enfant : les clients racontent beaucoup de chose sur leurs familles. Des commérages sans importance mais qui en disent souvent long et permettent aux vendeuses d’allonger la liste des dépenses. La magie du commerce est puissante. Alors que la cliente regardait Mélanie faire un nouveau paquet cadeau, une autre femme entra dans le magasin. Elle ne répondit pas au bonjour guilleret de la vendeuse. Le visage fermé et la lèvre inférieur remontant vers le nez, la femme avait tout de la cliente qui n’en sera jamais vraiment une. Au départ de la grand-mère, Mélanie lui demande ce qu’elle recherchait mais celle-ci ne réagit pas. Intérieurement, elle se dit que, peut-être, cette femme avait des problèmes d’audition. Comme disaient ses amis, Mélanie était optimiste. Elle se rapprocha de la femme qui prenait le chemin de l’arrière-boutique et lui signala que c’était un espace réservé aux employés. Son visage ne changea pas d’expression lorsqu’elle demanda si Mélanie n’avait que « ça » à lui proposer. Avec ce genre de personne, il n’y avait qu’une chose à faire : les mettre face à leur mauvaise humeur. Aujourd’hui, Mélanie était en forme pour ça et après avoir appris que les vêtements étaient destinés à une petite fille de quatre ans, elle lui montra tout ce qu’elle avait de plus coloré, de plus bariolé et de plus cher. Soit la cliente achetait, soit elle partait. Dans les deux cas, la vendeuse était gagnante. La dame acheta et repartit sans un « merci » ni un « au revoir ». Mélanie enfonça le clou en lui souhaitant de passer une agréable journée.

Quelques minutes plus tard, elle se demanda s’il n’y avait pas une buvette géante proposée non loin de sa boutique car plusieurs clients ou simples passants lui demandaient s’ils pouvaient utiliser les toilettes du magasin. Elle n’aimait pas cette question car toute personne qui a une envie pressante n’apprécie pas qu’on lui dise non. Alors, quand il s’agit de parents, c’est toute une histoire et Mélanie n’en pouvait plus de se justifier. Mais peu importe qu’il y aient les affaires personnelles des vendeuses, la recette des trois derniers jours et toute la marchandise. Une envie pressante barre la route à toute pensée rationnelle et à chaque refus, le client, outré que l’on puisse craindre de mauvaises intentions de sa part, fustigeait le manque de courtoisie et l’attitude peu commerçante. Alors, fatiguée de se battre contre des vessies endiablées, Mélanie laissa, ce jour-là, libre accès aux toilettes à deux reprises.

La première fois, il s’agissait d’une femme enceinte. A moins d’une semaine de l’accouchement, Madame Carusso avait tout simplement atteint les limites de sa carte bancaire. Il était difficile de lui refuser les toilettes alors même que des contractions se faisaient sentir. Mélanie avait déjà dû appeler un futur papa ou les pompiers pour un accouchement imminent. Elle espérait que l’enfant à naître ne le ferait pas au beau milieu de la collection hiver qui était encore dans les cartons. Inquiète de ne pas voir sa cliente revenir, Mélanie décida d’aller vérifier que tout se passait bien. Elle n’en cru pas ses yeux lorsqu’elle vit la future maman une main se tenant le dos et l’autre tendre devant elle le récapitulatif de la promotion à venir. Pas gênée le moins du monde d’être surprise par la responsable de la boutique, Madame Carusso demanda si ses articles ne pouvaient pas bénéficier de l’offre. A croire que le bébé était aussi outré que Mélanie, il déclencha une contraction extrêmement forte et c’est en taxi que la future maman partit pour l’hôpital, les bras chargés de petits vêtements payés plein tarif.

Puis, ce fut au tour d’un petit garçon très agité de quatre ans qui, à lui seul, avait saccagé une grande partie du rayon layette. Mal à l’aise, sa maman expliqua à Mélanie qu’il n’était pas à l’école car il avait été fiévreux tous le week-end. Apparemment, la tornade avait repris des forces et elle apprenait à toute la boutique qu’elle voulait faire pipi. Mélanie autorisa sans appel la mère débordée à accompagner son fils jusqu’aux toilettes du personnel. N’en faisant qu’à sa tête, le garnement exigea que ce soit son père qui l’emmène. L’homme se tenait à l’extérieur, une cigarette aux lèvres. Il ne semblait pas voir ce qu’il fixait et perdu dans ses pensées, grimaçait comme seuls les angoissés savent le faire. Son épouse lui fit signe de venir. Sans prendre la peine de l’éteindre, l’homme lâcha sa cigarette qui tomba à ses pieds. En entrant, il ne dit pas bonjour. La mère murmura un vague « veut faire pipi » et l’homme pressa l’enfant. Mélanie lui montra le chemin puis discuta avec la femme qui avait radicalement changé d’expression à l’arrivée de son mari. Prête à exploser lorsque son fils s’agitait trop, elle semblait vouloir disparaître sous le lino de la boutique à l’instant même où le mot papa fut prononcé. Pour essayer de l’égayer un peu, Mélanie parla de la nouvelle collection et de l’arrivée prochaine des ensembles de bonnets et écharpes. Elle avait souvent eu affaire à des femmes qui avaient peur de leurs maris. Elles avaient toujours une bonne raison mais à part leur faire oublier leurs soucis le temps de leur shopping, Mélanie était impuissante. Le père et son fils réapparurent. L’homme semblait toujours aussi froid et fermé mais le garçonnet n’était plus du tout le même. Les joues rouges, il regardait ses baskets.

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